Nakayama Senseï disait de lui: "C'est le meilleur karatéka
de sa génération". Agé de 56 ans, 8ème Dan, Mikio Yahara a été formé à la dure
école de la JKA, la Japan Karaté Association. Pour lui, Karaté rime avec Budo: "Etre
prêt à mourir" telle pourrait être la devise de ce samouraï du Shotokan.
Au Japon, il a créé une société qui lutte contre les Yakusas. Au début, il
devait changer constamment de domicile pour éviter d'être tué. Mais les Yakusas
ont vite réalisé que cet homme n'avait pas peur de mourir. Tireur d'élite,
expert en lancer de couteau, 8ème dan shotokan, Mikio Yahara n'est pas homme à
se laisser intimider facilement. Rencontre avec un Samouraï de le JKA.
Senseï Yahara, on dit qu'à votre époque, l'entraînement était particulièrement
dur au dojo central de la JKA?
Mon professeur, Yano Senseï, était surnommé the Destroyer. Il envoyait souvent
ses adversaires à l'hôpital. C'était un homme très fort. Quand j'étais jeune,
chaque jour je m'entraînais avec lui. Je n'ai jamais cherché à fuir ou à éviter
la confrontation. J'ai grandi à la campagne. Après le lycée, je suis venu à
Tokyo pour entrer à l'université. J'en ai profité pour m'entraîner à la JKA, au
dojo central, sur l'invitation de Yano Senseï. Chaque jour, je m'entraînais
environ 3 heures. J'ai fait cela durant mes quatre années à l'université. Après
l'université, j'ai passé un examen pour devenir junior-instructeur au dojo
central de la JKA, à Tokyo. Je suis resté trois ans junior-instructeur avant de
devenir instructeur. A l'époque, mon état d'esprit était le suivant: je peux
mourir demain, je n'ai pas peur de la mort.
Que pensez-vous du type d'entraînement que vous avez suivi à la JKA?
Le point fort était le travail des bases. Beaucoup de karatékas croient que les
bases ne sont pas très importantes. C'est une erreur: les bases jouent un rôle
essentiel dans la formation du karatéka. Si vous faites beaucoup de kihon étant
jeune, vous pourrez pratiquer jusqu'à un âge avancé. Regardez-moi: j'ai 56 ans,
et je continue à pratiquer comme si j'avais 30 ans. Pour moi, le temps passé à
la JKA m'a semblé un rêve. Certains n'aimaient pas la dureté de l'entraînement.
Il est vrai que nous ne faisions pas attention aux blessures éventuelles: si
quelqu'un finissait à l'hôpital, c'était normal. Je n'ai jamais eu peur.
Que pensez-vous de l'entraînement actuel de la JKA?
Cela a totalement changé. Autrefois les instructeurs de la JKA avaient la
mentalité des samouraïs: nous étions prêts à mourir à n'importe quel moment.
Aujourd'hui, les jeunes n'ont plus le même état d'esprit, ils se sont
américanisés.
Vous-mêmes, vous avez toujours été un combattant. Quelle place accordez-vous au
kata?
Le kata et le kumité sont importants tous les deux. Toutes les techniques de
kumité proviennent du kata, toutes les bases aussi, les déplacements, etc… C'est
pourquoi le kata joue un rôle très important. Dans le karaté de compétition
actuel, on se contente de marquer des points. Pour cela, le kata n'a pas
d'importance. C'est pourquoi le karaté sportif est différent du karaté
traditionnel. Beaucoup de gens ont oublié la vraie signification du karaté.
Quel conseil donneriez vous à un jeune karatéka?
Beaucoup de gens ne le comprennent pas, mais je le répète, le plus important, ce
sont les bases. Le point essentiel, bien sur, c'est le travail des hanches. Le
karaté est avant tout un Budo. En combat, je dois pouvoir tuer avec un seul coup
de poing ou un seul coup de pied. Comment arriver à ce niveau ? Voilà la vraie
question. De nos jours, les jeunes ne pensent qu'à marquer un point. La
mentalité a totalement changé.
De tous les instructeurs que vous avez côtoyés à la JKA, lequel vous a le plus
impressionné?
Quand j'étais junior-instructeur au Hombu dojo, chacun avait un style
particulier, chacun était différent. Aujourd'hui tout le monde fait la même
chose. Tout est basé sur le timing. Mais le karaté n'est pas que cela. Bien sur
le timing joue un rôle très important. Les jeunes ne comprennent pas la
signification du karaté. Pourquoi ? Parce que les instructeurs de karaté ne
savent pas ce qu'est le vrai karaté.
Quels sont les raisons de ce changement?
Peut être le changement de génération, les jeunes n'ont plus la mentalité
d'autrefois.
Vous rappelez-vous un épisode particulier durant votre entraînement à la JKA?
Mon professeur, Yano Senseï, était surnommé the Destroyer. Il se fichait
totalement de son adversaire durant la kumité: il attaquait toujours. Parfois
ses opposants finissaient à l'hôpital. Il était comme ça. Ses coups de pied
étaient magnifiques, beaux et très puissants. A l'époque chaque instructeur
avait son spécial: le tsuki d'Ochi etc… moi-même je n'ai pas de technique
spéciale. Avec le travail des hanches, je peux effectuer n'importe quelle
technique. En ce qui concerne les katas, je me concentre sur Heian Shodan. Plus
j'avance et plus je réalise que le plus simple est aussi le plus difficile.
Que pensez-vous de la scission intervenue au sein de la JKA en deux groupes?
C'est dommage mais en même temps c'est naturel: les gens ne pensent pas tous de
la même façon. Un groupe s'est orienté vers le karaté de compétition, l'autre
vers le Budo.
Une dernière question ; vous venez d'ouvrir un hôtel à Ouvéa. Pourquoi?
Je suis tombé amoureux de la Nouvelle Calédonie à l'occasion d'un stage. Lorsque
j'ai eu cette idée, en 1990, tout le monde m'a traité de fou ! Mais je ne me
suis pas découragé, et après huit années de négociations, cet hôtel a ouvert en
2001. On m'avait dit que c'était impossible, le challenge m'a tenté.
Extrait du magazine "Ceinture Noire".
Juillet-Août 2003